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La voix fait relation : Critique du rythme, aujourd’hui

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Ce qui suit a été prononcé à Hildesheim (Allemagne) le 2 octobre 2019 pour le colloque https://www.uni-hildesheim.de/fb3/institute/institut-fuer-uebersetzungswiss-fachkommunikation/forschung/forschungsprojekte/rhythmuskonzepte-in-der-translation-und-translationswissenschaft/. Une publication en allemand est prévue.

J’ai tâché de faire un simple calque exact et de conserver le geste et le ton oratoires, comme si vous vous apprêtiez à refaire la conférence en français ; et si j’ai peut-être altéré une expression ou deux, c’est dans ce désir et pour que tout fût bien dans la voix.

Stéphane Mallarmé, lettre à James McNeil Whistler le 25 avril 1888

  1. Penser le rythme, penser avec Critique du rythme

Le maître-ouvrage d’Henri Meschonnic, Critique du rythme, anthropologie historique du langage, délivre incidemment des formules heuristiques. Je me suis attaché dans mes travaux (Martin, 2017) à l’une d’entre elles : « La voix est relation » (Meschonnic, 1982 : 294). Aussi j’aimerais poursuivre la réflexion au plus près de l’écriture de Meschonnic[1], ne serait-ce que dans ce maître-ouvrage, sachant que des traductions sont en cours (Comparative Critical Studies, 2018). Il s’agira d’observer spécifiquement ce qui fait la force théorique et pratique de la notion de rythme, depuis Meschonnic, dans une écriture qui ne cesse d’engager ses lectures par une théorie du langage et particulièrement de la voix comme relation, et d’engager ses essais d’écriture dans une aventure « qui ne cesse d’échapper à soi et qui, par croisements, échanges, recommencements, mène indéfiniment, comme le passé avec l’avenir, son métissage » (Meschonnic, 1982 : 713). C’est donc l’articulation la plus forte possible de cette théorie de la voix et de cette pratique de la critique que j’aimerais spécifier à travers la notion de rythme : toute une épistémologie de la recherche s’en trouverait transformée, où les expériences remplaceraient les applications et où l’essai deviendrait poème contre tous les dualismes qui exhaussent la recherche de ses risques. C’est également toute une politique qui pourrait s’y penser empiriquement au plus près des défis démocratiques et sociaux du contemporain tout contre les expertises et autres discours qui déshistoricisent et dévocalisent les lectures comme les écritures et bien évidemment parmi elles les traductions. Je proposerai donc de réénoncer la formule de Meschonnic à hauteur d’une activité continuée du rythme comme historicité radicale du langage : la voix fait relation. Et cela commence par l’écriture de l’essai, son poème, car voilà ce que d’aucuns reprochent à l’écriture de Meschonnic : « que tout fût bien dans la voix », comme écrivait Mallarmé à Whisler.

 

  1. Critique du rythme, un essai-poème

Le livre de Meschonnic n’est pas facile à maîtriser avec ses quinze parties plutôt inégales au format allant d’une dizaine de pages (« II. Activité théorique, activité poétique » ; « XV. Non le signe, mais le rythme ») à presque 140 pages (« V. Le rythme sans mesure »). Sa progression est également difficile à caractériser autrement que par un travail demandé au lecteur de reprise de conceptualisation de la notion de rythme dans des historicités variées allant de la poétologie à l’anthropologie en passant par la philologie, la linguistique, la traductologie et bien d’autres disciplines. Pour mieux résonner ce mouvement de reprise, il suffirait peut-être de s’en tenir aux très courtes ouvertures et fermetures, lesquelles riment par l’incipit, « La théorie du rythme est politique » (9 et 715), quand l’excipit de la dernière page (715) reprend la dédicace, « A l’inconnu » : « C’est le rythme de la critique du rythme, puisque le rythme comme la poésie, ne se fait qu’avec l’inconnu » (ibid.). Cette valeur de l’inconnaissance qui met « la poésie » au poste de commande d’une « critique du rythme » par la définition-valeur du « rythme comme la poésie », est un appel à « l’interlocuteur providentiel » pour reprendre à Mandelstam, lequel donne au demeurant l’exergue au livre, pour des réénonciations toujours vives comme « rythme de la critique du rythme », laquelle, il faut le préciser aujourd’hui, n’existe que si des passages de voix critiques opèrent continument. On peut alors lire cet essai comme un poème, au sens où un poème se constitue poème par et dans un passage de voix, par et dans des lectures qui deviennent des écritures, des voix : « une chaîne de ré-énonciations » (87).

En quoi cet essai est-il un poème, exactement comme Baudelaire a pu dire des Misérables qu’il s’agissait d’un poème ou comme Mallarmé dans ses lettres de réception d’ouvrage faire souvent allusion à la force poème des livres quel qu’en fut le genre ? Le poème de Critique du rythme est d’abord un poème de la pensée, c’est-à-dire une activité de pensée dans et par le langage où formes de pensée et formes de langage interagissent au maximum et cela dès l’incipit de l’ouverture à la première partie avec cette apposition qui ne peut-être un rapport des termes sans la visée d’une transformation réciproque : « Critique, théorie : je vise à rendre ces termes interchangeables, […] » (13). Cette forme de langage est tout au long de Critique du rythme une opération cardinale : la relation l’emportant sur les termes, les faisant devenir autre dans « une aventure ». Ainsi que le précise l’incipit de cette même première partie : « La théorie est critique. C’est son aventure. La théorie du langage est une aventure de l’anthropologie » (15). S’y opère un premier déplacement épistémologique, une première défamiliarisation[2] puisque la relation entre théorie et critique engage une relation entre théorie du langage et anthropologie sortant la première de la linguistique, du moins l’incluant dans une visée plus large, pas seulement technique, anthropologique, et testant la seconde par sa théorie du langage. On est aussitôt à cent lieues d’une interdisciplinarité où chaque discipline assure son pré carré, et on est engagé au cœur d’une reprise épistémologique où la critique refait dans le même mouvement la linguistique et l’anthropologie à partir « de l’implication réciproque entre le langage et la littérature » (15), autre « aventure » décisive de cet essai. Aussi, ce qui fait ce cet essai un poème de la pensée, ce ne sont pas des procédés ou quelques manières de dire, mais bien plutôt cet enjeu relationnel, cette inséparabilité qui constitue l’hypothèse à tenir jusqu’au bout dans et par l’écriture de l’essai où « l’aventure théorique et l’aventure poétique sont inséparables. Elles partagent une même historicité, un même inconnu » (16). La virgule ici, comme dans l’apposition de l’ouverture, est un opérateur de pensée puisque l’historicité comme inconnu et l’inconnu comme historicité replongent ces termes dans des rapports temporels inédits que Meschonnic placera plus loin sous la catégorie aspectuelle décisive de l’inaccompli (88) qui constituerait un universel du poème en regard du récit : « L’accompli et l’inaccompli ne sont pas les mêmes dans la fiction et dans le poème. C’est que tout récit les transforme en accompli. Le poème les place dans un inaccompli » (ibid.). Paradoxalement, une telle perspective engage le poème plus dans l’épopée que dans le lyrisme tout en « disjoignant l’épopée et le long, le lyrisme et le bref », et en défaisant également le lien tenu pour consubstantiel entre le récit et le conte, la légende (ibid.), lesquels sont plus proches du poème.

 

  1. Critique du rythme, le poème d’une pensée défamiliarisante

On pourrait certainement considérer Critique du rythme et tous les essais de Meschonnic comme une expérience épique de l’essai puisque chaque essai se voit, d’une part, toujours engagé dans « un même travail » (9) et, d’autre part, ouvert « non sur des applications, mais sur des expériences » (715). En ce sens, un essai est un passage d’un travail qui n’a de cesse que de recommencer et sa lecture est de la même façon un passage d’une expérience inaccomplie qu’il s’agit de relancer sans cesse dans des reprises qu’on peut dire de pensée et de voix. Il ne peut donc s’agir de tout dominer, du moins maîtriser, comme si l’épopée théorique devait être maîtrisée sans y participer soi-même et comme s’il était possible de la réduire à un schéma narratif ou logique arrêtant son expérience. Il faudrait, par contre, engager une écoute maximale, voire une expérience équivalente. On peut apercevoir par là qu’une politique de la lecture et de la traduction des œuvres de Meschonnic demande toujours plus de petites épopées[3] que de grandes déclarations lyriques[4]. On devrait chercher plutôt des formes appropriées à chaque situation de recherche ou de traduction au lieu d’un modèle unique de présentation homogénéisante qui dévocaliserait l’expérience continuée de l’essai d’anthropologie historique du langage. Comme l’écrit Meschonnic dans le court chapitre XV et dernier de Critique du rythme : « Le rythme est donc plus pour l’oreille. Il est pour tout le sujet. Le rythme, organisation subjective-collective d’un discours, est son oralité. Plus que tel procédé formel. En quoi, pour une écriture, désoralisé, c’est décorporalisé, désocialisé, qui équivaut à désubjectivisé, et déshistoricisé ». Ce déchaînement des dé- est un enchaînement de l’exigence du continu dans et par la voix que j’aperçois ici au cœur de l’essai dans et par son phrasé qui défamiliarise par de nouveaux rapports de pensée.

Aussi, faut-il dire combien cette forme de langage qu’est l’apposition[5] est-elle bien une forme de pensée, c’est-à-dire une reconceptualisation stratégique des termes apposés : « Seule cette recherche du nouveau, du non pensé, peut-être critique, se constituer comme critique, faire qu’il n’y ait pas des critiques mais une critique radicale » (16). Ici, le « nouveau » n’est plus une manière parmi d’autres mais bien un radicalement autre, une altérité radicale qu’ouvre l’écoute du « non pensé », une transformation toujours en cours des identités, des positions, des discours, de la critique, puisque l’enjeu est bien l’écoute de l’inconnu dans et par ce battement relationnel : « Le sujet, le sens sont flottants dans le rythme » (93) où trois termes deviennent tout autre dans et par cette activité qui les fait, les transforme. Voilà le sujet du poème, le sujet de la pensée, en actes. Cette systématique relationnelle où les termes ne peuvent être saisis qu’en passant par les autres selon le principe d’un opérateur de glissement de la conceptualisation qui emporte les notions dans une constellation de réciprocités, d’implications, d’enchaînements qui font système, et qui a le malheur d’en irriter beaucoup car elle semble ne pas pouvoir s’arrêter à un objet ou prétendre embrasser toutes les disciplines des sciences humaines et sociales. Il y a bien une différence, petite mais décisive, entre « Le sujet, le sens […] » et « Le sujet et le sens sont flottants dans le rythme » (ibid.). Les notions ainsi non stabilisées[6] articulent forcément leur définition à leur valeur ici engagée « dans le rythme ».   

J’examine maintenant un exemple un peu plus long : « Une théorie du rythme dans le discours se sépare de la théorie traditionnelle. […] La théorie du rythme dans le discours s’en sépare parce qu’elle est théorie du discours. Elle est théorie du discours dans la mesure où elle est théorie du rythme, théorie du rythme seulement si elle est théorie du discours. Du rythme-sens-sujet. Ce qui n’a de sens et de validité que dans le langage, et spécifiquement selon les activités de langage. Ce n’est pas peu s’il s’agit de la littérature, sans laquelle une anthropologie historique et générale du langage est impossible » (139). La trilogie de termes rendus inséparables (« rythme-sens-sujet ») par leur association s’opère par la mise en relation continue dans une réciprocité des théorisations portées par une relation d’équivalence logique fondatrice, rythmeódiscours. Ce principe fondateur de toute anthropologie historique et générale du langage prend appui sur ce que Meschonnic appelle, par ailleurs, « un quatre inséparable » (91) permettant d’engager la stratégie du rythme-discours, « système-valeur-fonctionnement-arbitraire », contre « la stratégie de la langue », « (mot-sens-origine-nature) » (ibid.). Cette éthique des implications fait la force d’une pensée que d’aucuns disent dogmatique[7] si ce n’est éclectique[8], quand elle pose qu’un système au sens d’un fonctionnement, d’une « systématicité d’un discours » (90), permet « une stratégie forte, parce qu’elle est celle de l’empirique, du discours, qui historicise la motivation » (91) et qui « impose de reconnaître une autre éthique » que celle de la science ou de la vérité voire du désir : « une éthique du sens, dont l’enjeu est l’historicité des valeurs et du statut du sens » (ibid.).

Je reprends avec cette citation : « L’enjeu de la critique du rythme est la théorie et la pratique du système, contre la réduction au mot, au nom. […]. L’arbitraire et le rythme sont liés par le même enjeu. / C’est ce que produit, et règle, un poème » (93). La première apposition, « au mot, au nom », est une exemplification décisive « de la métaphysique du langage » sous la forme d’un langage-nomenclature qu’on trouve largement active chez les poètes et les critiques de la poésie ; aussi, au paragraphe suivant, le poème, comme activité, devient-il l’opérateur critique décisif par la signifiance qui engage et la langue et la lecture dans le discours comme « organisation d’un sens du sujet » qui fait que « [l]e rythme dans un poème ne transgresse pas les conventions du discours. Il les transforme » (ibid.). Ces deux dernières phrases ne font qu’un phrasé où le point, comme la virgule auparavant, sépare et relie en même temps. Il sépare pour reprendre la formulation dans une activité décisive de transformation langagière qui reste au cœur du discours, du langage et n’en sort pas. Activité antinomique à la transgression des conventions linguistiques par une sortie du langage qui passe souvent pour le nec plus ultra des révolutions poétiques. Il relie pour montrer le continu de l’enjeu concernant l’arbitraire, au sens de Saussure, et concernant le rythme, au sens de Meschonnic. Les deux cependant toujours à reconnaître à chaque fois spécifiquement puisque « [l]e rythme est aussi évident, aussi invisible comme sens du sujet qu’à chacun le sens de sa propre histoire. Qui n’est pas non plus fait de signes » (94). Une fois encore, la virgule vient comme reconceptualiser, ici, deux valeurs apparemment oxymoriques : l’évidence et l’invisibilité. Cette reconceptualisation est en outre engagée dans un infini des historicités nécessairement mobilisées où le sujet et l’histoire se voient engrenés et mis au défi d’un enjeu décisif par le point qui sépare et relie la relative à la principale, dans un phrasé heurté et insistant, les renversant peut-être même dans une relation agonistique à rejouer sans cesse entre le signe et le rythme. Car tel serait l’enjeu d’une anthropologie historique du langage, enjeu jamais oublié même au niveau du plus fin de l’écriture de l’essai, du grain de sa voix, de la voix qui fait la relation. Cette écriture invente le rythme qu’elle fait, le pense en le faisant, le trouve en l’écrivant.

 

  1. Critique du rythme, une épopée vocale

J’en arrive, sans qu’aucune exhaustivité ne soit ici envisageable autrement qu’à montrer un engagement de lecteur, à un opérateur du passage de voix qui me semble constituer un levier décisif pour que l’essai devienne un passage d’expérience. Aucun hasard à ce que la remarque qui suit relève de la catégorie de l’aspect. J’ai déjà signalé l’importance de l’inaccompli en regard de l’accompli et ici j’aimerais pointer la valeur aspectuelle des adverbes d’intensité comme, par exemple, dans ce passage de l’essai : « Le sujet est l’individuation : le travail qui fait que le social devient l’individuel, et que l’individu peut, fragmentairement, indéfiniment, accéder au statut de sujet, qui ne peut être qu’historique, et social. Comme on accède, indéfiniment, à sa langue maternelle » (95). D’une part, la séparation forte entre l’individu et le sujet par les deux adverbes modalisateurs du verbe pouvoir, montre tout un cheminement, voire un combat, que constitue l’accès toujours en cours et jamais achevable. Adverbes qui donc confèrent un aspect inaccompli au pouvoir de l’individu et, par la comparaison qui suit, séparée et unie par le point à la proposition précédente, qui répété pour le second dans une formule à l’allure de sentence (« On n’accède à sa langue maternelle qu’indéfiniment »), engagent un continu du linguistique et de l’éthique par le poétique. Bref, l’essai fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait dans un mouvement qui résonne avec l’hypothèse qu’il ne cesse de reprendre où la théorie du rythme passe par sa pratique en poème et la pratique de l’essai devient la théorisation du rythme, toujours « fragmentairement » et « indéfiniment » ! Aussi faudrait-il signaler la valeur hypothétique, c’est-à-dire expérientielle, de l’essai car comme tout poème, il ne serait jamais réductible à un discours de vérité. Je terminerai donc par la forme verbale avec l’auxiliaire de mode marquant la possibilité, « peut être », et par l’adverbe composé, « peut-être », dans ce passage où ils se renforcent, passage qui continue la forte proposition qui m’est chère, « La voix est relation » (294) : « C’est peut-être ce perpétuel débordement de signifiance, comme dans le poème, qui fait que la voix peut être la métaphore du sujet, le symbole de son originalité la plus ²intérieure², tout en étant toujours historicisée » (ibid.). L’énoncé mis par deux fois dans la modalisation d’un possible est ainsi porté par son énonciation, sa voix, sa spécificité sujet, son rythme où la comparaison avec le poème, soulignée par les italiques, l’était déjà par la prosodie consonantique qui fait le continu du mode de pensée et du mode d’activité de l’écriture jusqu’au poème. Faut-il ajouter qu’alors, la voix de l’essai n’est pas seulement relation, elle la fait : « Passage du sujet dans la signifiance » (102) ou encore « trouver et se trouver » (103) dans le même mouvement.

Rien de tel pour maintenir vif le désir, dès qu’on lit, qu’on écrit ou qu’on traduit, que « tout fût bien dans la voix ». Comme dans ces deux poèmes issus du même livre (Demain dessus demain dessous, Paris, Arfuyen, 2010, p. 13 puis p. 35[9]) :

ma voix vient
d’en dehors de moi
elle vient de là
où je ne suis plus
elle vient de là
où je ne suis pas encore
elle vient de ne pas savoir
où elle est
venant de tant de gorges
de tant de souffles
qu’une fois de plus
je ne sais plus ce que je dis
et j’appelle
pour te retrouver
c’est quand tu te tais
que je ne retrouve plus
ma voix

***

sans voix
non
sans voix c’est sans moi sans toi
du rien à vivre
dire c’est vivre
tous les autres sont dedans
les autres sont le temps
en nous
et des yeux pour ne pas voir
à rester sans voix
puis on se retrouve
de nouveau on marche sa voix
et voir te voir c’est le monde

___________________________________________________________________

[1] Travail commencé quelque peu dans Dédicaces poèmes vers Henri Meschonnic, Mont-de-Laval, L’Atelier du grand tétras, 2012.

[2] J’emploie ce verbe en référence à la notion d’ostraniene (étrangeté) du formaliste russe Viktor Chklovski reprise sous la dénomination d’estrangement par l’historien italien Carlo Ginsburg.

[3] Je fais référence bien évidemment au sous-titre donné par Hugo à La Légende des siècles (1859).

[4] Le scientisme fait souvent preuve d’un lyrisme exacerbé dans ses arrêts sur définition ou, comme l’écrivait Meschonnic : « le scientisme […] n’est qu’une face (révulsée) du subjectivisme » (Pour la Poétique I, Paris, Gallimard, 1970, p. 152)

[5] L’apposition utilisant le trait d’union est présente très tôt dans les essais de Meschonnic et, par exemple, dès Pour la Poétique I (op. cit.) : outre les duos « lecture-écriture » (p. 164), « lecture-littérature » (p. 154) et « langages-systèmes » (p. 162), il faut bien évidemment mentionner la notion centrale de « forme-sens » (p. 153) qu’accompagnent bien d’autres : « prosodie-métaphore », « composition-syntaxe » (ibid.). Je voudrais signaler qu’on isole (il y a un penchant vers le discontinuisme de bon nombre de lectures même avec l’œuvre de Meschonnic) souvent la notion de « forme-sens », alors même que Meschonnic la couple à celle de « forme-histoire » : « C’est l’œuvre unité de vision syntagmatique et l’œuvre unité de diction rythmique et prosodique –, système et créativité, objet et sujet, forme-sens, forme-histoire » (p. 62). Sur les reproches faits par Laurent Jenny au « trait d’union synthématique » de Meschonnic, je renvoie à Voix et relation Une poétique de l’art littéraire où tout se rattache (Taulignan, Marie Delarbre éd., 2017, p. 32).

[6] On pourrait suggérer une allusion à la notion freudienne d’attention flottante (die frei/gleichschwebende Aufmerksamkeit) en n’oubliant pas la part de liberté qui y est attachée : façon de penser l’historicité non comme un déterminisme situationnel mais bien comme un ensemble de rapports dans et par le langage où le sujet du poème peut (l’) emporter…

[7] C’est le cas de Anthony Cordingley dans « L’oralité selon Henri Meschonnic », Palimpsestes n° 27, 2014, p. 47-60.

[8] Par exemple, Marc Angenot dans son compte rendu de Pour la poétique dans Études littéraires, 5 (1), 1972, p. 154–156

 

[9] Pour un commentaire de ces poèmes, voir Voix et relation, op. cit., p. 285-290.


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